MARIE HAVEL & CLEMENT PHILIPPE / ECOTONE
29 MAI -2 JUIN 2024
Vernissage MERCREDI 29 MAI de 18h à 21h 

« Le contact avec la nature pendant l’enfance développe la conscience écologique »  Michel Loreau,  
Chercheur de la Station d'écologie théorique et expérimentale du CNRS  

« Les lieux dans lesquels nous avons grandi ont profondément influencé notre travail ». Alors que Marie Havel  a passé son enfance près de Soissons dans l’Aisne, territoire de plaines et de vallées, tristement célèbre  pour avoir été l’un des plus grands champs de bataille que l’histoire nationale ait connue, le regard de  Clément Philippe, lui, s’est forgé au cœur d’un milieu rocheux et compact, bordé par les sommets et les  crêtes des massifs alpins, terre de combat et de Résistance pendant la guerre. Leur première rencontre se fera quant à elle dans une ville transfrontalière elle aussi, mais ouverte sur l’horizon et la mer :  Montpellier, où ils étudieront tous deux à l’école des beaux-arts et où ils décideront finalement d’établir  leur atelier commun. 

On pourrait ainsi, sans trop s’égarer, faire le lien entre leur histoire personnelle, fortement imprégnée de ces lieux au contexte épais ou à la géographie contrainte, avec celle de leur travail respectif qui  consiste toujours à s’engouffrer dans des interstices en prélevant dans le paysage des formes, rythmes,  masses, lignes ou autres indices topographiques qui caractérisent une certaine quête d’un ici et d’un  ailleurs aux frontières devenues poreuses. Les gravures miniatures de roches figées dans des  échantillons de boites de pétri de Clément Philippe en sont une parfaite démonstration : ne pouvant  être directement extraites du site minier irradié où l’artiste s’est introduit, il décide pour autant de  nous mettre face à l’omniprésence de ces zones hostiles et toxiques trop souvent dissimulées. À travers  ce geste, qui donne forme à nos questionnements plus qu’il n’apporte de véritable réponse, l’artiste  évite l’effacement progressif d’une situation pourtant évidente et nous délivre, tout en finesse, un témoignage sur l’état de notre monde et ses limites. Cela se traduit également dans les dessins minutieusement réalisés au graphite sur papier de la série Jumanji de Marie Havel, qui dévoilent des  compositions protéiformes proches d’un univers fantastique. Malgré une végétation abondante, c’est  une sensation de ruine qui se dégage de ces représentations fictives aux équilibres précaires, dans un  monde absurde où tout semble sur le point de s’effondrer.  

Situations latentes, images sous-jacentes : on retrouve toujours en toile de fond dans le travail des deux artistes ce désir de pénétrer des espaces singuliers pour les révéler dans des points de rencontres  qui aboutissent à la formation d’un écotone, cette zone de transition et de lisière entre deux  écosystèmes. En résulte alors des œuvres profondément ancrées mais qui semblent pourtant toujours  proches d’un certain basculement.  

Cette même impression de glissement se retrouve encore dans le travail de Clément Philippe, avec la  série Résurgence où nous sommes pris de vertige à la vision de multiples formes acuminées et acérées  qui surgissent d’un magma de lave en fusion. Cette étrange sensation se poursuit avec la série  Démantèlement : des dessins réalisés au fil de fer incrustés dans une plaque de médium où l’on aperçoit des usines de génération d’électricité en voie de démantèlement. Là encore, les contours sont saillants,  la tension est palpable et le renversement semble imminent. De même, chez Marie Havel, avec Terminus, série de dessins réalisés avec des feuilles de papiers calques qui représentent des bunkers 

que l’artiste superpose et désaxe volontairement pour nous faire perdre tout point de repère. Certains  passent même sous un filtre de couleurs fluorescentes, comme des images irradiées qui lanceraient un  feu d’alerte au sein de ce milieu aux tonalités neutres et austères. Nous devenons alors de simples témoins égarés, déracinés, évoluant dans un décor avec lequel nous nous étions pourtant familiarisés. Même constat avec sa nouvelle série de sculptures Messing around composée d’assemblages de  boulettes de papiers qui dévoilent des notes imperceptibles ou autres croquis inachevés qu’on aurait  sacrifié en les figeant dans une petite boite transparente. Pourtant, la moindre secousse suffirait à faire  voler en éclat ces maquettes latentes afin qu’elles se déplient de nouveau, dévoilant ainsi une part de  leurs mystères. 

Quant à l’exposition Écotone, elle marque à elle seule une étape décisive dans la pratique commune des  deux artistes car pour la première fois, ils décident de combiner et d’assembler leurs gestes pour y  inventer de nouveaux espaces partagés à travers la réalisation d’œuvres à quatre mains. Si Marie est  plus assidue à arpenter le paysage en prenant des notes, Clément, lui, fabrique et expérimente à partir  de ses observations comme le ferait le scientifique. Résulte de ces nouveaux chevauchements  plastiques une série inédite intitulée Landes, comme un énième paysage qu’ils nous invitent à parcourir. 

Il y a donc toujours ce petit quelque chose d’instable, de précaire et de poétique dans la pratique de  Marie Havel et Clément Philippe où nous partons en expédition à la quête d’une histoire en  mouvement, tout en restant pourtant figés dans un étrange entre-deux. Ou n’est-ce pas finalement,  dans cette complémentarité fructueuse et unique qui leur appartient, la révélation de leur nouvel  « entre eux deux ». 

Fanny Robin 
Critique d’art et commissaire d’exposition
 

Vernissage mercredi 29 mai 2024 de 18h à 21h 
Jours d'exposition :
Jeudi 30 mai - 10h à 19h 
Vendredi 31 mai - 10h à 19h 
Samedi 1er juin - 10h à 19h 
Dimanche 2 juin - 10h à 17h


73-75 rue Quincampoix, 75003 Paris
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