A travers l’echancrure / thibaut caire
22-26 Novembre 2023
Il y a dans le ciel une myriade de mondes nébuleux. Des croyances et des récits en ont fait l’antre des rêves, d’autres des dieux ; le refuge des âmes qui ont quitté la terre mais continuent à veiller sur elle ; le royaume des esprits passés et à venir ; l’empire encore, de tous les mystères que les humains n’ont pas su ou voulu éclairer.
Il y a dans le ciel une fantastique ressource pour l’imagination, celle qui compte les moutons dans les nuages, celle qui y débusque les bêtes les plus merveilleuses, celle qui lit son chemin dans les étoiles, celle, encore, qui, plissant les yeux et saisissant ses crayons, s’acharne à y trouver la porte qui sépare le monde du songe de celui de la réalité. C’est celle-là qu’entretient Thibaut Caire. Du bout de ses pastels, de ses crayons et de ses pinceaux, il en explore les contours et en formule des seuils possibles. Tapi dans le secret des nuages, jaillissant de la foudre et des éclairs, arraché à la nappe céleste elle-même, c’est cet espace liminal, entre tous les possibles et tous les mondes, que l’artiste s’évertue à mettre en forme dans son atelier, pour que des cieux ruisselle sur le monde cette faculté d’imagination qu’il chérit tant.
A mi-chemin entre le carnet météorologique, l’ouvrage de science-fiction, le jeu vidéo et le livre d’histoire de l’art, il malaxe l’observation et la mélange au fantasme, le réel au fantastique, la matière à l’impalpable, dans un geste démiurgique venu rejouer celui de la foudre elle-même. Et de saisir les nuages quand ils s’agrègent, en monticules fiévreux d’avant l’orage, prêts à foudroyer la terre, qu’ils abreuveront aussitôt après l’avoir frappée. Des mottes ténébreuses qui composent la série du « Livre de la Foudre » s’échappent des rais et des éclairs, des astres de couleurs sépulcrales à partir desquels se créent les mondes que l’artiste nous invite à pénétrer. Entre les dents du papier déchiré des « Brèches » s’esquissent des portails, que les fenêtres, embrasures et portes de pierre flottant dans d’autres paysages s’amusent à multiplier.
Il y a dans le goût du peintre pour la collection et la série une volonté farouche d’attraper la nébuleuse à pleines mains, de l’explorer sous toutes ses coutures, d’en toquer à toutes les portes jusqu’à ce que l’une d’entre elle s’ouvre, enfin. Refuges, sanctuaires, échappatoires ou berceaux d’autres fictions encore, il y a dans ses ciels les étapes d’une quête dont l’issue reste incertaine mais le long de laquelle nous accompagnent les joyeux avatars qu’il s’est mis à décliner depuis peu. Chevaliers ou gargouilles, admoniteurs ou PNJ (personnage non-joueur, dans un jeu vidéo), leur désignation est fonction du ciel que qui veut s’est choisi ; avec leur glaive, ils voguent de nuage en nuage, aussi allègres qu’enthousiastes à l’idée de franchir ces portes qui nous séparent du monde invisible. Pourfendant les cieux, en répandant des morceaux ici et là à saisir par qui veut, leur épée est pareille au pinceau de l’artiste-passeur, qui ménage les interstices dans lesquels il faudra s’engouffrer à sa suite pour faire du rêve une seconde vie.
Horya Makhlouf
Critique d'art, Historienne de l'art Co-fondatrice de Jeunes Critiques d'Art Membre de l'AICA
INFORMATIONS PRATIQUES :
Vernissage mercredi 22 novembre 2023 de 18h à 21h
Jours d'exposition
Jeudi 23 de 10h à 19h
Vendredi 24 de 10h à 19h
Samedi 25 de 10h à 19h
Dimanche 26 de 10h à 19h
73-75 rue Quincampoix, 75003 Paris
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